Rencontre avec Stéphanie : de professeur à coach en hypersensibilité
Aujourd’hui, nous avons le privilège de plonger dans l’univers fascinant de Stéphanie, une maman extraordinaire et coach spécialisée en hypersensibilité.
Avec une carrière de 20 ans en tant que professeur des écoles, Stéphanie nous ouvre les portes de son monde, peuplé d’atypies et de découvertes surprenantes.
Bonne lecture pour cette interview!
Découverte et acceptation des atypies
Elise : Bonjour Stéphanie, bienvenue sur Optimisme Cool. Pour nos lecteurs, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Stéphanie : Bonjour Elise, merci de m’accueillir sur Optimisme Cool.
Je suis Stéphanie, j’ai plusieurs atypies et je suis maman de 2 enfants eux aussi atypiques.
J’ai été professeur des écoles pendant 20 ans, et aujourd’hui je suis coach spécialisée en hypersensibilité. J’accompagne les femmes hypersensibles avec souvent d’autres caractéristiques comme le haut potentiel, un trouble dys, un TSA, un TDAH ou un profil multipotentiel.
Elise : Parlons de ton parcours. Quand as-tu découvert tes atypies ?
Stéphanie : J’ai réalisé que j’étais atypique à 37 ans, quand mon aîné traversait une phobie scolaire. La psychologue qu’on a consultée, experte en troubles autistiques, a été un déclic.
J’ai compris que mes galères étaient les mêmes que celles de mon enfant.
J’ai toujours su que j’étais différente, mais je m’étais résignée à être « difficile à vivre ».
On me trouvait trop extrême, jamais dans la norme.
Maintenant, je vois que ce manque de confiance en moi venait de ce décalage entre qui je suis, comment les autres me voyaient et ce sentiment d’être un peu un extra-terrestre !
C’est à ce moment-là aussi que j’ai découvert la BD de Mademoiselle Caroline et Julie Dachez “La différence invisible”.
Ce fut une révélation ! Un soulagement énorme parce que, enfin, je comprenais une partie de mes difficultés quotidiennes. J’ai ressenti en même temps beaucoup de peine et de colère à avoir été jugée durement pendant de nombreuses années.
Elise : Comment as-tu identifié tes différentes atypies ?
Pour comprendre mes atypies, ça a été un vrai parcours du combattant, un peu comme assembler un puzzle sans avoir l’image sur la boîte.
L’hypersensibilité
Stéphanie : Sans savoir qu’il s’agissait d’une atypie, j’ai identifié seule, mes hypersensibilités en lisant le livre de Saverio Tomasella “Hypersensibles – Trop sensibles pour être heureux ?”.
Ce fut un choc ! Depuis toute petite, j’entendais que j’étais trop sensible, trop inquiète, trop ceci ou trop cela… En lisant cet ouvrage que je recommande à tout le monde, j’ai découvert que je n’étais pas folle.
Elise : Je comprends. J’ai toujours trouvé ma fille trop. Trop sensible, trop agitée, trop timide. Obtenir les premiers diagnostics m’a beaucoup aidée à l’accepter tel qu’elle est. Comment se manifestait tes hypersensibilités ?
Stéphanie : Je ressentais les choses plus intensément que la grande majorité des gens : la lumière, les odeurs, le bruit et le toucher.
Aujourd’hui, je gère mieux mes hypersensibilités : je limite les rendez-vous, je m’octroie des moments de solitude, je choisis mes sorties. C’est comme mettre mon masque à oxygène en premier, pour ne plus être constamment à bout de souffle.
Avec mes enfants, maintenant ados, c’est aussi plus simple. Moins de bruit, moins de désordre. Mais ils ont dû s’adapter à mes hypersensibilités. On éteint les lumières, ils profitent de mes absences pour leurs activités bruyantes. Et on en parle, souvent. C’est essentiel de les inclure, de leur expliquer. Ça leur apprend le respect, la tolérance.
Elise : Tu as d’autres atypies, mis à part tes hypersensibilités. Parle-nous en.
Stéphanie : Pour les autres atypies, comme je le disais, le diagnostic de mon aîné m’a poussée à consulter.
Le TSA et le HPI
Stéphanie : Résultat ? Trouble du spectre de l’autisme, que l’on nommait autisme Asperger, et un haut potentiel intellectuel. Ces découvertes ont été comme des pièces de puzzle qui s’emboîtent.
Les troubles dys
Stéphanie : Puis, une orthophoniste a confirmé ma dyslexie, une difficulté que je pensais normale jusqu’à ce que je réalise que non, tout le monde ne jongle pas avec les lettres comme moi. C’est en discutant avec mon cadet que j’ai compris que ce n’était pas normal de devoir réfléchir pour écrire certains mots.
Le TDA/H
Stéphanie : Aujourd’hui, je suis certaine d’avoir un TDA/H (trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité), même sans diagnostic officiel. Je me retrouve également dans la multipotentialité qui n’est cependant pas reconnue officiellement comme une atypie.
Il est très fréquent qu’un enfant ou un adulte soit concerné par plusieurs atypies en même temps.
Elise : Je confirme. Ma fille est concernée. On lui avait d’abord diagnostiqué une dyspraxie visuo-spatiale, puis une dyslexie. Récemment son orthophoniste a confirmé dysorthographie, dyscalculie. Et je suis certaine, sans diagnostic officiel, qu’elle est aussi TDA/H.
Les défis d’une maman d’enfants atypiques
Elise : Quels sont les défis spécifiques en tant que maman d’enfants atypiques ?
Stéphanie : Je dirai que les défis sont les mêmes que pour les mamans d’enfants neurotypiques mais tout est multiplié par 10, 100 ou 1000 !
Les défis sont liés aux atypies de mes enfants mais aussi à mes propres atypies.
La reconnaissance médicale
Stéphanie : Le premier est sans doute la reconnaissance, du point de vue médical, des atypies. J’ai tellement entendu de médecins ou d’enseignants (ndlr : Stéphanie a été professeur des écoles pendant 20 ans) me dire que mon enfant était angoissé à cause de moi.
Un psychiatre m’a dit aussi que c’était politiquement incorrect de le dire mais que les mères sont responsables de l’autisme de leur enfant. Quand on est soi-même fragile et non diagnostiquée, cela est vraiment une belle épreuve à traverser !
Elise : C’est incroyable cette violence effectivement. Je l’ai vécu aussi par rapport à ma fille. Des maitresses qui me culpabilisaient : j’élevais mal mon enfant, je la rendais capricieuse et intenable, je ne suivais pas assez ses devoirs. Parle-nous des autres défis.
Le lâcher-prise
Stéphanie : L’autre défi je dirai que c’est le lâcher prise par rapport aux regards extérieurs, des proches ou des inconnus. L’autisme est un handicap invisible et le regard des autres est souvent très dur, les gens jugent facilement.
C’est cependant compréhensible : on ne peut pas comprendre ce que l’on ne voit pas ou que l’on ne connaît pas. C’est une belle leçon de vie je trouve ! Apprendre à ne jamais juger les autres quand on n’a pas soi-même traversé les mêmes difficultés. C’est un apprentissage constant mais qui permet vraiment d’être beaucoup plus tolérant et à l’écoute des autres.
Elise : Je te rejoins. Être la maman d’une enfant atypique m’a fait énormément grandir. Le lâcher prise, la gestion des émotions, l’acceptation, la tolérance, l’apprentissage continu. Je développe de nouvelles compétences au quotidien. Tu as rencontré d’autres défis majeurs ?
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Trouver le bon équilibre
Stéphanie : Le défi de taille c’est de savoir où placer le curseur sur ce que je peux demander à mon enfant. Réussir à faire la part des choses entre les atypies, le handicap et les difficultés qui sont surmontables. J’ai toujours essayé de ne pas enfermer mes enfants, ou moi-même, dans un diagnostic. Il est important de prendre en compte ses atypies mais sans les mettre immédiatement en avant pour justifier toutes les difficultés rencontrées.
Elise : Sur ce point, les enfants sont très malins. Il fut un temps où ma fille me sortait systématiquement « Je ne peux pas, je suis dyspraxique ». Une manière de se dédouaner et d’en faire un minimum. Finalement, on s’en est sorti petit à petit, car avec les différents accompagnements, tu arrives à affiner ce qu’elle est concrètement capable de faire. Tu aurais un dernier défi à partager ?
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La fatigue
Stéphanie : Le plus dur, c’est la fatigue. Être multi-atypique et maman, ça multiplie l’épuisement. Avec mes enfants, chaque hypersensibilité, chaque difficulté liée au TSA ou au TDA s’intensifie.
Il faut s’organiser pour garder un peu d’énergie, éviter le burnout.
Avant d’être diagnostiquée, j’ai trébuché, fait des erreurs. Mais j’ai appris.
Comprendre ce qui marche, ce qui ne marche pas, c’est essentiel. Et puis, accepter qu’on n’est pas une maman parfaite, ça allège tellement le quotidien !
L’épuisement parental
Elise : Justement peux-tu nous parler de ton expérience avec l’épuisement parental ?
Stéphanie : L’épuisement parental, c’est un truc sérieux, surtout pour nous, les parents atypiques.
On est plus à risque de burnout, avec nos hypersensibilités, cette quête de perfection, et l’effort constant pour s’adapter socialement.
Moi, j’ai craqué quand j’étais submergée, essayant de tout gérer seule, en voulant être parfaite partout. À un moment, mon corps a dit stop. Ça m’a pris du temps pour relier les points, comprendre le lien entre tout ça.
Aujourd’hui, j’ai changé de vie. Je bosse de chez moi, ça réduit la fatigue des trajets, des contacts sociaux, et ça ménage mes hypersensibilités.
Mais la fatigue reste mon gros combat, surtout en étant maman solo d’enfants atypiques.
La prise en compte des atypies doit se faire le plus tôt possible quand on devient maman, c’est pour cette raison surtout que j’ai décidé de m’orienter davantage vers l’accompagnement des mamans pour elles-mêmes, avant de les accompagner pour aider leurs enfants.
Comme dans l’avion, tu mets ton masque à oxygène avant d’aider les autres. Pas par égoïsme, mais pour être en état de prendre soin d’eux.
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Changer de carrière : de l’enseignement au coaching en hypersensibilité
Elise : Qu’est-ce qui t’a motivée à devenir coach pour personnes atypiques ?
Stéphanie : Changer de carrière, quitter le job stable de professeur des écoles, c’est un sacré défi, surtout avec la pression sociale.
Ma reconversion, c’était en deux temps.
Un blog sur le dessin
Stéphanie : D’abord, accepter de laisser derrière moi un métier que j’adorais. Puis, j’ai voulu continuer à faire ce que j’aime : aider les enfants à gagner en confiance. C’est là que j’ai lancé mon blog “Objectif dessin”, pour apprendre à dessiner et booster la confiance en soi. Parallèlement, j’avais un autre blog pour les enfants atypiques. À cette époque, mon fils aîné vivait une phobie scolaire intense, et je trouvais du réconfort dans le dessin, un sujet plus léger.
Un blog sur les atypiques
Quelques années plus tard, avec l’apaisement de la situation de mon fils, j’ai repris mon blog atypique, mais en le recentrant sur les mamans atypiques. J’avais cette envie de soutenir les femmes, les mamans, de les guider dans la découverte et l’acceptation de leurs atypies. Je me suis formée pour devenir coach en hypersensibilité, pour offrir le soutien que j’aurais aimé avoir plus jeune.
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Accompagner les femmes hypersensibles
Elise : Comment accompagnes-tu les femmes hypersensibles ?
Personnaliser l’accompagnement
Stéphanie : L’accompagnement dépend de chaque personne !
Même si les difficultés rencontrées sont souvent les mêmes, il faut prendre en compte les besoins, les attentes de la femme ou de la maman qui me contacte.
Savoir à quelle étape elle se trouve. Il est fréquent par exemple, que des mamans me contactent pour leurs enfants et commencent à s’interroger sur leurs propres atypies éventuelles.
L’accompagnement prendra alors en compte un travail de connaissance et d’acceptation de leur(s) atypie(s).
Optimiser la vie quotidienne
Stéphanie : Mon point fort est l’organisation, c’est pour cela que j’aime beaucoup aider les femmes hypersensibles et multi-potentielles à optimiser leur temps et leur espace, à préserver leur énergie, à aller au bout d’un projet personnel ou professionnel qui leur tient à cœur mais qui est trop difficile à atteindre toute seule.
Je travaille en accompagnement avec un travail d’écoute, d’échanges, d’identification des besoins de chaque personne. J’apporte du contenu théorique (ndlr pour comprendre ses atypies) et de l’accompagnement pratique avec des outils de coaching.
L’objectif est de se sentir mieux, plus apaisée et de pouvoir aussi éventuellement aider ses propres enfants atypiques.
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Découvrir la joie et les enseignements de la vie atypique
Elise : On parle beaucoup de difficultés et de défis, quels sont les aspects joyeux de la vie avec des atypies ?
Emerveillement
Stéphanie : L’émerveillement constant ! Les hypersensibilités permettent de vivre des émotions que la plupart des gens ne connaissent pas, l’écoute d’une chanson, la vue d’un paysage, d’une fleur, de la beauté des couleurs de la nature.
Tout cela me fait régulièrement pleurer de joie et j’ai compris que c’était une chance rare.
Compréhension et intuition
Stéphanie : En étant parent atypique on a souvent aussi une compréhension plus fine et plus instinctive des besoins de ses enfants.
L’intuition est quelque chose d’assez présente chez les atypiques si on accepte de l’entendre et de l’écouter.
Les atypies permettent aussi de beaucoup se questionner, de prendre du recul, de devenir plus tolérants et d’accepter davantage les différences. Je pense que sans mes atypies je n’aurai pas avancé autant sur tous ces chemins-là !
Elise : Merci, c’est beau, poétique et à la fois philosophique ce que tu dis. Pour finir, quels conseils donnerais-tu aux parents d’enfants atypiques ?
Conseils pour les parents d’enfants atypiques
Stéphanie : En quelques mots :
Faites-vous confiance
Faites-vous confiance, écoutez vos ressentis, vos intuitions, elles sont souvent les bonnes.
Vous êtes les personnes qui connaissez le mieux votre enfant.
Formez-vous
Formez-vous aux atypies de votre enfant pour mieux le comprendre et les prendre en compte dans votre quotidien et dans le sien. Adapter son environnement en conséquence, à la maison et à l’école.
Faites-vous aider
-Cherchez et trouvez des personnes de confiance, non jugeantes, pour vous permettre de souffler un peu, prendre du temps pour vous, vous reposer, créer ou ne rien faire !
-Trouvez d’autres parents qui ont vécu les mêmes choses, parler avec des personnes qui comprennent ce que vous vivez vous fera beaucoup de bien ! Les réseaux sociaux peuvent aider à cela à condition de rester mesuré. Il vaut mieux 1 ou 2 personnes qu’un grand groupe où l’on se trouve noyé dans les informations et les témoignages qui ne font pas toujours avancer
-Faites-vous accompagner par des professionnels : votre enfant ou vous-même
Et surtout…
Ne jamais oublier : vous faites de votre mieux, les erreurs sont inévitables, que l’on soit parent d’enfant atypique ou non alors on revient au premier conseil : faites-vous confiance.
Et n’oubliez pas que vous n’êtes pas toute seule !
Elise : Merci infiniment Stéphanie pour ta sagesse et ton partage authentique. Je suis certaine que les lecteurs d’optimisme cool ont apprécié ce moment.
Pour en savoir plus sur l’hypersensibilité et décrypter les différentes formes d’atypies, n’oublie pas de télécharger gratuitement le guide de survie pour parents atypiques, en t’inscrivant par email.
Bravo pour ce super article et pour votre parcours à toutes les deux ! 💪
Stéphanie, je confirme que c’est un grand NON ! Ce n’est pas politique incorrect de dire que les mamans sont la cause de l’autisme de leur enfant. C’est juste complètement FAUX. C’est une idée qui date d’environ 1905 et qui a la vie dure alors qu’on sait depuis longtemps que c’est faux, les études l’ont prouvé depuis longtemps ! (Idem pour la schizophrénie).
Soutien à toutes les deux !
Merci pour les encouragements et la compréhension.
Merci pour cette interview : témoignage très enrichissant !
Je suis également choquée par le commentaire totalement infondé de la part du médecin. Quelle culpabilisation et souffrance inutile…En tant que psychologue, je confirme également que l’autisme n’est en RIEN la responsabilité de la mère. Courage aux mamans !
Merci pour votre témoignage en tant que psychologue.