Père et mère : 7 différences dans l’éducation d’un enfant atypique
Lorsque Melyssa a des devoirs à faire, selon qu’elle le fait avec son père ou avec moi, les approches sont très différentes. Lorsqu’elle rencontre des difficultés, son père Guillaume, adopte une approche pragmatique. Il l’encourage à aborder le problème méthodiquement étape par étape, lui suggérant de décomposer les questions complexes en « parties plus gérables ». Il la laisse avancer seule tout en restant disponible pour des conseils si nécessaire. Il pense que faire face aux difficultés de manière autonome renforcera ses compétences de résolution de problèmes et sa confiance en elle.
J’ai une approche différente. Quand Melyssa rencontre un problème dans ses devoirs, je viens m’asseoir à côté d’elle. J’essaie de me mettre à sa place et je pose aussi des questions sur ce qu’elle ressent. Nous discutons ensemble, et je la guide pour qu’elle reprenne confiance. Je l’encourage quand elle trouve les bonnes réponses. Je pense que comprendre et exprimer ses émotions est crucial pour elle, pour surmonter les obstacles scolaires.
Ces deux approches sont complémentaires pour le bien-être de notre fille, même si parfois cela amène de la friction entre nous. En fait, il existe des tendances générales observées dans les réactions et les approches des pères et des mères, bien qu’il soit important de noter que ces différences ne sont pas universelles et peuvent varier d’une famille à l’autre. On te les dévoile dans cet article.
1/ Rôle dans le diagnostic et le traitement
Détection de l’atypie par la mère
Dans de nombreuses familles, la mère est souvent celle qui remarque en premier les signes d’atypie chez l’enfant. Certainement parce que nous passons plus de temps que les pères à les observer. Quand Melyssa avait 2 ans, elle avait plus de mal que les autres enfants à former des dessins sur les feuilles. Elle se cognait souvent et avait du mal à appréhender les marches. Nous avions appris ensuite qu’elle avait une dyspraxie visuo-spatiale.
Engagement paternel dans les étapes ultérieures
Le père, quant à lui, devient plus impliqué après le diagnostic, en recherchant des traitements et en participant aux décisions importantes. Il a fallu organiser des séances chez l’orthoptiste pour notre fille, et informer l’école des spécificités de Melyssa. Son père a aussi été très actif pour chercher une nouvelle école plus adaptée à ses besoins. C’est lui qui a trouvé une école Montessori et qui m’a persuadée de l’inscrire là-bas.
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2/ Approche de résolutions de problèmes
Intuition maternelle
Dans la vie quotidienne, les mères ont tendance à adopter une approche intuitive, souvent guidée par leur instinct maternel. Si un enfant a du mal à s’endormir à cause de cauchemars récurrents, une mère peut instinctivement sentir que son enfant a besoin de réconfort et de sécurité plutôt que de solutions concrètes immédiates.
Elle pourrait choisir de rester à côté de son lit, de lui raconter des histoires apaisantes ou de lui jouer de la musique douce, répondant ainsi aux besoins émotionnels de son enfant.
Cette capacité à percevoir et à répondre aux signaux non verbaux de l’enfant démontre l’approche intuitive des mères, qui privilégient l’empathie et le réconfort dans leur réponse aux défis.
Pragmatisme paternel
Face à un problème, les pères adoptent souvent une approche pragmatique, axée sur des solutions concrètes et des actions directes. Si on reprend l’exemple de l’introduction avec un enfant qui lutte avec ses devoirs de mathématiques:
Un père pourrait aborder cette situation en établissant un plan d’étude structuré, en décomposant les problèmes en étapes gérables ou en utilisant des exemples concrets pour expliquer des concepts complexes. Au lieu de s’attarder sur les frustrations ou les sentiments de l’enfant, il se concentre sur la résolution du problème, en fournissant des outils et des stratégies pour aider l’enfant à surmonter ses difficultés.
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3/ Expression émotionnelle et style de communication
La place des émotions pour la mère
Dans l’éducation de son enfant, une mère accorde souvent une importance particulière aux émotions. Après une journée éprouvante à l’école, elle crée un espace sécurisant où l’enfant peut librement exprimer ses sentiments.
Pour ma part quand Melyssa est frustrée par un conflit avec un camarade par exemple, j’essaie de l’apaiser avec des mots comme : « Je comprends que tu sois triste, parlons-en ensemble. » Je m’assois à ses côtés et je l’invite à partager ce qu’elle ressent, écoutant attentivement sans jugement.
Je lui fais comprendre que ses sentiments sont importants et compris, renforçant ainsi son intelligence émotionnelle et sa capacité à communiquer.
De nombreuses recherches menées en Europe révèlent que, généralement, les mères obtiennent des résultats nettement supérieurs en termes de soutien affectif et de mise en place de règles. Par contraste, il apparaît que les pères ont tendance à privilégier l’utilisation de sanctions plus strictes et des méthodes qui incluent le fait de délaisser délibérément l’enfant (Roskam & Meunier, 2009 – Article complet page 27 dans « Psychologie de la parentalité »)
Le réflexe « sois fort » pour le père, tourné vers l’action
Le père, dans son rôle éducatif, peut privilégier une approche de résilience, incarnée par le mantra « sois fort ». Sa communication tend à être axée sur l’action, visant à guider l’enfant vers des solutions concrètes. Comme je l’ai expliqué en introduction, lorsque Melyssa fait face à un problème, son père aborde la situation en proposant des solutions pragmatiques : « Quelles sont les parties du projet que tu trouves difficiles ? Attaquons-nous à chacune d’elles une par une. »
Il l’encourage à passer à l’action, à décomposer les tâches en éléments gérables et à se concentrer sur l’atteinte d’objectifs spécifiques. Il s’attache à développer l’autonomie de Melyssa et à la rendre plus apte à résoudre les problèmes par elle-même.
Les pères agiraient comme des facilitateurs de l’autonomisation des adolescents et de l’accomplissement de ces derniers dans leurs activités (Bronstein, 2006).
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4/ Suivi de la scolarité et des relations avec l’école
Implication engagée de la mère
La mère joue généralement un rôle actif dans le parcours scolaire de son enfant, mettant un point d’honneur à suivre ses progrès de près.
Elle est présente aux réunions parent-professeur, où elle écoute attentivement les retours des enseignants, pose des questions pertinentes et discute des stratégies pour soutenir l’apprentissage de son enfant à la maison. À la maison, elle vérifie régulièrement les devoirs et les projets, offrant aide et encouragement.
Attention, nous ne sommes pas toutes hyper actives et engagées, mais le constat est là : il y a plus de mères à la sortie des écoles. Nous prenons aussi plus de congés que les pères pour accompagner nos enfants aux sorties scolaires.
L’importance des « leçons de la vie réelle » pour le père
Le père, quant à lui, met l’accent sur les « leçons de la vie réelle », croyant fermement à l’importance de préparer son enfant aux défis du monde extérieur.
Au delà de ses résultats scolaires, il accorde aussi beaucoup d’importance aux compétences pratiques et aux valeurs essentielles. Quelques exemples :
- Responsabilité personnelle : Insister sur l’importance de prendre la responsabilité de ses actions, de ses paroles et de ses devoirs.
- Prendre des initiatives : Encourager l’enfant à prendre des initiatives, que ce soit en proposant des activités familiales ou en menant à bien des projets personnels.
- Premiers secours et sécurité personnelle : Enseigner les bases des premiers secours et les pratiques de sécurité personnelle pour préparer l’enfant à réagir en cas d’urgence.
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5/ Choix des activités
Activités éducatives et artistiques pour la mère
La mère valorise fortement l’épanouissement intellectuel et créatif de son enfant, privilégiant les activités éducatives et artistiques dans son approche éducative.
Elle croit que ces activités enrichissent l’esprit, nourrissent l’âme et développent des compétences essentielles. Par exemple, elle pourrait inscrire son enfant à des cours de peinture ou de musique, l’encourageant à explorer et à exprimer ses émotions et idées de manière créative.
Les week-ends, elle organise des sorties éducatives, comme des visites de musées ou des explorations de la nature, où l’enfant peut apprendre de manière interactive et ludique.
À la maison, elle passe du temps à lire des histoires ensemble, discutant des thèmes et des leçons, et encourageant ainsi la réflexion critique et l’empathie. Cette approche, centrée sur les activités éducatives et artistiques, vise à cultiver la curiosité, la sensibilité et l’intelligence émotionnelle de l’enfant.
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Activités physiques pour le père
Le père, croyant fermement aux bienfaits des activités physiques, encourage son enfant à s’engager dans le sport et le jeu actif. En effet, selon les recherches de Bronstein (2006), les pères sont plus engagés dans des jeux actifs et physiques, tandis que les mères consacreraient davantage de temps à jouer en employant des jouets et des livres, en adoptant un comportement de support, de complicité et de coopération.
Il pourrait, par exemple, organiser des sorties régulières au parc où ils jouent ensemble au football ou au frisbee, renforçant non seulement la condition physique de l’enfant mais aussi leur lien familial.
Les week-ends peuvent être consacrés à des randonnées en nature, permettant à l’enfant de découvrir l’environnement tout en développant sa résistance et sa coordination. Le père peut aussi initier son enfant à des sports individuels comme le vélo ou la natation, soulignant l’importance de la persévérance et de l’autodiscipline.
Selon Lewis et Lamb (2003), les études comparatives mères-pères ont non seulement montré que le rôle et l’implication des parents étaient quantitativement et mais également qualitativement différents. Les pères aident à la réalisation des activités, alors que les mères sont dans le soutien émotionnel (Hoeve et al, 2011).
Richesse de la parentalité
Tu vas trouver certainement les deux précédents paragraphes assez « stéréotypés », et tu as raison! Dans la réalité, les rôles et les comportements des parents varient grandement d’une famille à l’autre, et surtout d’une culture à l’autre. Les rôles paternels et maternels sont souvent dictés par des attentes sociales et des croyances. De nombreux pères et mères peuvent adopter des approches qui ne correspondent pas nécessairement à ces « grandes tendances ».
J’ai donné ces descriptions pour illustrer globalement les dynamiques familiales communes. Mais on le sait : chaque parent est unique et peut combiner diverses méthodes et styles dans l’éducation de son enfant. Les nuances individuelles sont essentielles pour comprendre la complexité et la richesse de la parentalité.
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6/ Réseau de soutien
Implication des mères dans les communautés ou les groupes de soutien
Les mères d’enfants atypiques tendent à rechercher activement des réseaux de soutien, comprenant l’importance de partager expériences et conseils avec d’autres parents dans des situations similaires.
Elles peuvent s’inscrire à des groupes de soutien en ligne ou assister à des réunions communautaires, cherchant non seulement des réponses à leurs questions mais aussi un sentiment de compréhension et de solidarité.
C’est personnellement ce que j’ai fait, et c’est aussi ce cheminement qui m’a poussée à créer ce blog. Créer un espace sécurisant où on peut exprimer des inquiétudes, célébrer les progrès et échanger des stratégies d’adaptation. Mon objectif est de créer une communauté où on peut se connecter les unes aux autres. Que chacune trouve du réconfort et des ressources précieuses pour naviguer dans les défis uniques de l’éducation d’un enfant atypique.
Priorité aux ressources internes ou familiales pour les pères
Les pères, dans le contexte de l’éducation d’un enfant atypique, ont tendance à se tourner vers les ressources internes ou familiales pour trouver soutien et solutions.
Plutôt que de chercher de l’aide extérieure, ils peuvent privilégier la résolution des problèmes au sein du cercle familial, en s’appuyant sur les conseils des grands-parents, des oncles et des tantes, ou en utilisant leurs propres expériences et connaissances. Cette approche peut renforcer les liens familiaux et encourager une dynamique de soutien mutuel.
Les pères peuvent voir cette méthode comme un moyen de préserver l’intimité et l’autonomie de la famille, tout en inculquant à l’enfant des valeurs de résilience et d’indépendance.
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7/ Attentes et espoirs
Empathie et compréhension pour la mère
Dans l’éducation d’un enfant atypique, les attentes et les espoirs des parents peuvent varier significativement, reflétant souvent une divergence entre les perspectives paternelles et maternelles.
Les mères, généralement, peuvent se concentrer davantage sur le bien-être émotionnel et social de leur enfant. Elles espèrent voir leur enfant s’épanouir dans un environnement compréhensif, valorisant l’acceptation et la réussite personnelle au-delà des normes académiques ou sociales traditionnelles.
Leur approche est souvent empreinte d’une sensibilité accrue aux besoins émotionnels de l’enfant, avec un désir profond de le voir heureux, accepté et intégré, quelles que soient ses particularités.
Structure et autonomie pour le père
D’autre part, les pères peuvent avoir des attentes plus orientées vers l’autonomie et la réussite individuelle. Ils peuvent espérer que l’enfant surmonte ses défis pour devenir indépendant, mettant l’accent sur les compétences pratiques et la résilience face aux obstacles.
Cette perspective n’est pas dénuée de compassion, mais elle souligne une approche plus pragmatique de l’éducation, où les succès sont mesurés en termes de dépassement des limites personnelles et d’adaptation au monde extérieur.
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Conclusion
Dans l’éducation de Melyssa, comme dans celle de nombreux enfants atypiques, les approches de son père, Guillaume, et de la mienne illustrent la diversité et la complémentarité des méthodes parentales. Guillaume, avec son style pragmatique, met l’accent sur l’autonomie, tandis que je privilégie le soutien émotionnel et une approche plus intuitive. Ces différences, bien que source de friction occasionnelle, enrichissent l’expérience éducative de Melyssa, lui offrant un équilibre entre la force et la sensibilité, la structure et l’expression.
Il est essentiel de reconnaître que chaque famille est unique, avec ses propres valeurs, expériences et contextes culturels et familiaux. Les personnalités individuelles des parents et de l’enfant jouent un rôle crucial dans la formation de ces dynamiques éducatives. Nos approches en tant que parents ne sont pas des recettes fixes mais des réponses adaptées à la personnalité et aux besoins de Melyssa.
En fin de compte, l’objectif commun est le bien-être et le développement harmonieux de l’enfant. Les méthodes complémentaires du père et de la mère, malgré leurs différences, travaillent ensemble pour fournir un environnement riche et soutenant. Cet article met en lumière ces diverses approches pour encourager les parents à reconnaître et à valoriser leurs contributions uniques à l’éducation de leur enfant, tout en restant ouverts à l’apprentissage et à l’adaptation dans leur voyage parental commun.
Cet article participe à l’évènement “Héritage ou Inspiration : le rôle du Père dans nos parcours de vie” du blog Captain Papa. Sur son blog, Bertrand transmet son expérience de père de 4 enfants (ses succès comme ses échecs) ainsi que des conseils pratiques pour aider tous les papas à révéler la meilleure version du père qui sommeille en eux. J’apprécie beaucoup ce blog, et je vous recommande la lecture de ces deux articles : Garder son calme avec ses enfants et Peut-on être soi-même avec ses enfants.
Merci d’avoir su mettre en lumière les différences entre les approches éducatives des pères et des mères. Tu soulignes leur complémentarité essentielle pour le bien-être de l’enfant. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas dans de nombreuses familles.
Merci pour ton analyse complète Elise ! Super article !
Merci Dominique!
Merci pour cet article et ce partage d’expérience. Votre article montre l’importance de la complémentarité des deux parents dans l’éducation d’un enfant atypique. Complémentarité qui est permise à la fois dans cette différenciation des rôles, mais aussi dans un fonctionnement individuel du fait de la personnalité de chacun et du fonctionnement de couple. Pour notre part, étant assez fusionnels, il me semble que nos rôles étaient très similaires malgré des petites différences quant à la gestion du quotidien et des moments importants dans la vie de notre enfant comme vous le décrivez.
Merci Olivia. Je comprends effectivement quand les parents sont assez fusionnels, les rôles sont assez proches.
Bonjour Elise,
Je partage complétement ton point de vue. Pour moi, la mère a plutôt ce rôle protecteur et utilise souvent son intuition, tandis qu’en tant que père, je crois devoir « pousser » mes enfants vers le monde extérieur et leur faire acquérir plus vite de l’autonomie. L’essentiel, tu l’as bien rappelé, c’est que les deux rôles complémentaires soient assumés au sein du couple. Merci pour ton article.
La complémentarité des rôles est essentielle.
Merci pour cet article complet. Effectivement, je trouve aussi que l’approche des mères est plus instinctive et celle des pères, plus pragmatique. Et comme tu le soulignes si bien, ceci forme un équilibre pour le bien-être de l’enfant.
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