dyslexie des chiffres

Dyscalculie ou dyslexie des chiffres : comment mieux la comprendre pour aider ton enfant?

Quand Melyssa était petite, elle comptait toujours sur ses doigts. Pour tout. Même pour 1 + 1.

Au début, je trouvais ça mignon. Puis, en CP, j’ai commencé à m’inquiéter. Les autres enfants semblaient comprendre les chiffres presque naturellement. Pas elle. Elle confondait 6 et 9, écrivait 21 au lieu de 12, et fuyait les problèmes de maths comme la peste.

Et plus je l’aidais, plus je voyais son regard se voiler. Comme si les chiffres lui échappaient.

Je savais déjà qu’elle était dyslexique, dyspraxique, TDAH. Mais il y avait quelque chose de plus. Un blocage que je ne comprenais pas. Jusqu’au jour où j’ai entendu parler de la dyslexie des chiffres ou dyscalculie.

Là, tout s’est éclairé. Ce n’était pas un manque d’effort. Ni de la paresse. C’était un fonctionnement différent de son cerveau.

Depuis, j’ai appris à ne plus me battre contre les difficultés de Melyssa. Mais à marcher à ses côtés, avec d’autres outils, d’autres mots, d’autres chemins. La dyscalculie ne se voit pas. Mais elle se vit, chaque jour. Et c’est en comprenant ses mécanismes invisibles qu’on peut enfin redonner confiance à nos enfants et respirer un peu plus fort, ensemble.

La dyscalculie, c’est quoi ? Ce qu’on aurait aimé comprendre plus tôt

La dyscalculie en clair : un trouble spécifique, pas un manque d’effort

La dyscalculie, ce n’est pas un enfant “fâché avec les maths” ou qui “n’a pas la bosse des chiffres”.
C’est un trouble spécifique des apprentissages mathématiques, reconnu scientifiquement, qui peut toucher 3 à 6 % des enfants d’âge scolaire.

Et ce n’est ni un manque d’intelligence, ni un caprice.
L’enfant est intelligent, curieux, sensible, capable d’apprendre… mais son cerveau ne traite pas les nombres comme la majorité des autres enfants.

Ce trouble est durable (il doit persister depuis plus de 6 mois), résiste aux aides classiques (exercices, soutien scolaire…), et ne s’explique pas par un trouble sensoriel, une maladie ou un manque de scolarisation.
Et surtout : il ne se voit pas. Ce n’est pas une jambe cassée, ni un test sanguin positif.
Il demande une évaluation complète, souvent menée par un orthophoniste, parfois avec un neuropsychologue.

Dans cette vidéo, tu trouveras une explication simple de la dyscalculie pour les enfants : La dyscalculie expliquée aux enfants

Pourquoi ça bloque ? Les mécanismes invisibles

Ce qu’on appelle “faire des maths”, ce n’est pas qu’une affaire de chiffres.
Il faut mobiliser plusieurs compétences à la fois :
👉 La mémoire (retenir des faits numériques comme 3 x 4 = 12)
👉 Le langage (comprendre une consigne, relier un mot à une quantité)
👉 Le repérage spatial (poser une opération correctement, lire une horloge)
👉 L’attention (suivre plusieurs étapes dans un problème)

Quand certaines de ces fonctions sont fragiles, l’apprentissage des maths devient un vrai parcours d’obstacles.

Ce qu’on sait des causes : profils cognitifs et troubles associés

Les chercheurs avancent aujourd’hui des causes neurobiologiques.
Il s’agirait de petites anomalies dans le fonctionnement du cerveau, parfois d’origine génétique.

Mais la dyscalculie ne se manifeste pas de la même façon chez tous les enfants. Il existe plusieurs profils cognitifs :

  • Certains enfants ont des difficultés liées à la mémoire, à l’attention ou au langage.
  • D’autres ont un déficit spécifique du sens du nombre : ils n’arrivent pas à percevoir, comparer ou estimer les quantités.
  • Parfois, c’est un trouble d’accès au sens du nombre : l’enfant ne fait pas le lien entre le mot “trois”, le chiffre “3” et une quantité réelle (trois objets par exemple).

Et très souvent, la dyscalculie n’est pas seule :

  • 1 enfant sur 2 est aussi dyslexique
  • 1 sur 4 présente aussi un trouble de l’attention (TDA/H)

Ma fille n’a pas été diagnostiquée dyscalculique mais je vois clairement, qu’elle en présente quelques symptômes. Elle en tous cas dyslexique, dyspraxique, hypersensible et présente des troubles de l’attention.

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Ce que dit la science : le cerveau ne calcule pas naturellement

Le neuroscientifique Stanislas Dehaene, spécialiste du cerveau de l’enfant, a consacré une grande partie de ses recherches à ce qu’il appelle le “sens du nombre”.
Il explique que notre cerveau a une intuition naturelle des quantités. On peut deviner instinctivement qu’il y a “plus” ou “moins” sans compter.

Mais chez certains enfants, ce sens du nombre est altéré.
Il peut être flou, ou mal connecté à d’autres fonctions comme la mémoire, le langage ou l’attention.

Et dans ce cas-là, le calcul devient une épreuve, même pour 2 + 3.
Pas par paresse. Pas par refus d’apprendre. Mais parce que le circuit ne passe pas comme prévu.

👉 Ce n’est ni la faute de l’enfant, ni celle des parents.
Ce n’est pas un manque d’effort.
C’est un trouble neurodéveloppemental. Et ce qu’il faut, ce ne sont pas des leçons en plus, mais des chemins différents pour apprendre autrement.

Ma fille, ado maintenant, compte toujours avec les doigts et a du mal à faire des calculs mentaux. Comprendre que ces difficultés ne sont pas une fatalité, c’est déjà un soulagement.

Repérer les signes qui doivent t’alerter

Les signes visibles… et ceux qu’on remarque plus tard

La dyscalculie n’est pas toujours facile à repérer au début. Certains enfants compensent longtemps. D’autres développent des stratégies pour cacher leurs difficultés.

Mais certains signes reviennent souvent, dès la maternelle ou au début de l’école primaire :

  • L’enfant compte toujours sur ses doigts, même pour 2 + 1
  • Il confond les chiffres : 6 et 9, 12 et 21
  • Il a du mal à mémoriser les tables de multiplication malgré les répétitions (avec ma fille, on a finalement réussi mais grâce à des chansons!)
  • Il invente ou invente mal les procédures de calcul : 3 + 4 = 12
  • Il panique face aux problèmes ou évite les exercices de maths
  • Il fait des erreurs dans l’écriture des nombres : oublis, inversions, zéros en trop
  • Il ne comprend pas les mesures, les quantités, les heures
  • Il se perd dans les consignes à plusieurs étapes

Ces signes peuvent apparaître tôt… ou se révéler plus tard, en fin de primaire ou même au collège, quand les maths deviennent plus abstraites.

Avec ma fille, j’ai remarqué que quand on faisait les courses, elle confondait régulièrement les prix : 500 et 5 000 par exemple (chez nous la monnaie est en ariary et non en euros, alors il y a plus de zéros).

Et là, l’enfant commence à douter de lui, se compare aux autres, perd confiance. Les erreurs répétées ne sont pas seulement un souci scolaire. Elles affectent l’estime de soi.

Quand consulter ? Et comment poser les bons mots

Tu n’as pas besoin d’attendre que l’école lance une alerte pour agir.

Si tu observes plusieurs de ces signes sur la durée, malgré les aides, c’est le bon moment pour consulter.

Voici les premières étapes recommandées :

  • En parler à ton médecin traitant ou pédiatre
  • Demander un bilan orthophonique, prescrit par le médecin
  • Selon les cas, ajouter un bilan neuropsychologique, psychomoteur ou orthoptique

👉 L’objectif de ces bilans : comprendre le profil de ton enfant. Identifier ses forces, ses fragilités, et poser un diagnostic si nécessaire.

📝 Astuce : note les situations concrètes où ton enfant bloque. Par exemple :

“Il ne parvient pas à rendre la monnaie à la boulangerie.”
“Il panique dès qu’il y a un problème de maths à plusieurs étapes.”
“Il n’arrive pas à lire l’heure malgré les apprentissages répétés.”

Ces observations sont précieuses pour les professionnels. Elles permettent d’éviter les conclusions trop rapides, et de proposer un accompagnement plus juste.

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Les galères du quotidien que personne ne soupçonne

Compter l’argent, lire l’heure, comprendre une recette…

Quand on pense “dyscalculie”, on imagine les devoirs de maths compliqués.

Mais les vraies difficultés, celles qui pèsent tous les jours, sont ailleurs. Dans les petits gestes simples… qui ne le sont pas pour ces enfants-là.

L’argent

Certains enfants n’arrivent pas à distinguer les différents billets et pièces.
Ils ne savent pas si ce qu’ils rendent est suffisant. Résultat : ils évitent les achats, laissent les autres payer, ou vivent une vraie gêne à chaque passage en caisse.

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Lire l’heure

“Moins le quart”, “et demie”, “13h45”, tout ça se mélange.

L’horloge à aiguilles ? Incompréhensible. On a fini par offrir une montre électronique à ma fille pour lui éviter le stress. En prime, ça compte son nombre de pas et ça la motive pour être active au quotidien.

Et gérer une durée ? Mission impossible sans minuteur.

Suivre une recette de cuisine ?

Si on te dit de couper 300 g de pommes, d’attendre 25 minutes et de répartir en 6 parts égales… tu t’adaptes.
Mais pour un enfant dyscalculique, chaque étape est source de confusion :

  • Que veut dire “300 g” ?
  • Comment mesurer ?
  • C’est quoi “diviser en 6 parts” ?

Et souvent, il abandonne, se sent “nul”, ou évite carrément de participer.
Pas par manque de motivation, mais par peur de rater.

Avec Melyssa, la cuisine nous permet de reprendre les concepts dans un cadre plus ludique. Mais je dois l’accompagner pour éviter les confusions.

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Jeux collectifs : quand les chiffres gâchent le plaisir

Les maths ne s’arrêtent pas aux devoirs. Elles se glissent partout, même dans les moments censés être fun. Dans un simple jeu de société, il faut comprendre les règles, avancer d’un certain nombre de cases, compter les points…

Pour un enfant dyscalculique, ça devient vite trop complexe.

Il se trompe, ralentit la partie, se fait corriger… et finit parfois exclu du jeu.

Le sport aussi pose problème : suivre un score, respecter les règles ou gérer un chronomètre, tout cela fait appel aux chiffres. Et quand il se trompe, on pense qu’il ne fait pas d’effort.

En réalité, il donne tout ce qu’il peut. Mais avec un système qui n’est pas fait pour lui.

L’aider à la maison : transformer les maths en jeux (vraiment)

Forcer un enfant dyscalculique à “refaire les mêmes exercices jusqu’à ce que ça rentre”, c’est comme lui demander de lire un texte flou à la loupe. Ça épuise. Ça frustre. Et surtout, ça ne fonctionne pas.

Ce qui fonctionne, en revanche, c’est d’apprendre autrement. Par le jeu. Par le corps. Par le plaisir.
Et pour ça, il existe des outils simples, concrets, testés et approuvés par de nombreuses familles :

  • Memory cards sont une pépite : on crée des paires avec une opération d’un côté (3 + 4) et le résultat de l’autre (7). En jouant, l’enfant renforce sa mémoire sans en avoir l’air. Il associe visuellement, il manipule, il s’amuse.
  • Chansons de tables font aussi des miracles. Plutôt que d’imposer une récitation figée, on passe par des comptines rythmées ou des vidéos YouTube avec du rap, du slam ou de l’humour. L’enfant retient mieux, parce que c’est vivant, émotionnel et sensoriel. (c’est ce qui a marché pour ma fille pour les tables de multiplication)
  • Matériel Montessori, lui, rend l’abstraction concrète. Les barres rouges et bleues, les chaînes de perles, les tableaux de cent permettent à l’enfant de voir les quantités, de comprendre ce qu’est “10” avec ses mains et ses yeux, pas juste avec sa tête. Et c’est là que les connexions commencent à se faire. (ma fille a passé 3 années dans le système Montessori et ça avait débloqué certaines difficultés)
  • Jeux de plateau adaptés sont d’excellents leviers pour aborder les mathématiques sans pression. On choisit des jeux avec peu de règles, des consignes claires et un visuel simple : Uno, Dobble chiffres, dominos faits maison avec des additions… L’enfant retrouve le plaisir de jouer — et donc, d’apprendre.

Valoriser les efforts et créer des rituels apaisants

Mais le plus important, au-delà des outils, c’est l’ambiance dans laquelle on apprend.
À la maison, ton rôle n’est pas d’être prof de maths, mais gardienne de la sécurité émotionnelle.

Un enfant dyscalculique a besoin de sentir qu’il peut essayer sans risquer de décevoir.

Que se tromper, ce n’est pas grave. Que recommencer, c’est déjà avancer.

Mets en place un petit rituel du soir : 5 minutes d’un jeu de cartes, une chanson, un dessin sur tableau blanc… peu importe, tant que c’est léger et régulier.

Et surtout, choisis des phrases qui nourrissent sa confiance :

“Tu t’es trompé, mais tu as eu le courage de recommencer.”
“Tu progresses à ta façon, et je suis fière de toi.”
“On ne va pas plus vite. On va autrement.”

Ces mots-là valent toutes les formules mathématiques du monde.
Et ils posent les bases d’une relation apaisée avec les chiffres, à son rythme.

L’aider à l’école : s’allier avec les bons partenaires

Ouvrir le dialogue avec les enseignants

Quand ton enfant est en difficulté, tu peux vite avoir l’impression d’être seul.e face à un mur.

Pourtant, les enseignants peuvent devenir des alliés précieux, à condition d’instaurer un vrai dialogue.

La première étape, c’est de poser des mots simples sur la situation. Tu n’as pas besoin d’un jargon médical pour être entendu.e. Tu peux dire, par exemple :

“Mon enfant comprend difficilement les quantités et les opérations. Il a besoin de plus de temps et de supports visuels. Ce n’est pas un refus de travailler, c’est une façon différente d’apprendre.”

Apporte des exemples concrets du quotidien. Un petit dossier avec les observations à la maison, les bilans s’ils existent, ou simplement un descriptif de ce qui fonctionne pour lui.

Tu peux aussi proposer des aménagements simples :

  • Laisser utiliser une calculatrice pour les évaluations.
  • Alléger les consignes et les donner à l’oral.
  • Utiliser des schémas, dessins, tableaux pour illustrer les problèmes.
  • Permettre des temps de pause ou une adaptation du temps imparti.

Ces ajustements ne demandent pas de révolution. Mais ils peuvent changer toute l’expérience scolaire de ton enfant.

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Offrir à ton enfant la chance d’être acteur de ses apprentissages

Valoriser ses propres stratégies

L’école peut être un lieu de pression… mais elle peut aussi devenir un terrain d’exploration.

Un espace où ton enfant apprend à se connaître, à comprendre comment il fonctionne, et à trouver ce qui l’aide vraiment.

Pour ça, il a besoin qu’on lui donne le droit d’adapter, de tester, de se tromper. Et surtout, qu’on valorise ses stratégies, même si elles sont différentes.

À la maison, tu peux l’accompagner en lui posant de petites questions simples :

  • Est-ce que tu comprends mieux quand on dessine les choses ?
  • Est-ce que tu préfères entendre la consigne ou la voir écrite ?
  • Est-ce que tu te sens mieux quand tu peux griffonner un brouillon, ou utiliser un tableau de conversions pour t’aider ?
  • Est-ce que manipuler du matériel t’aide à y voir plus clair ?

Ces petits détails changent tout. Parce qu’ils lui permettent de se dire : “Ah, moi, j’apprends comme ça.”

Etre son porte-parole

Et ensuite, ce que tu découvres avec lui, partage-le avec ses enseignants.

Pas pour leur demander la lune, mais pour les aider à mieux comprendre comment fonctionne ton enfant, et ajuster ce qui peut l’être : un schéma au lieu d’un long texte, une consigne reformulée, un temps en plus pour réfléchir.

Tu n’as pas besoin d’un plan parfait.

Ce qui compte, c’est de créer un climat de coopération.
Un cadre où ton enfant n’est pas spectateur de ses difficultés, mais acteur de ses solutions.

Et quand il se sent écouté, soutenu, encouragé… même les maths peuvent devenir un terrain de jeu.
Ou du moins, ne plus être un terrain de guerre.

Conclusion

Si j’avais su tout ça plus tôt, j’aurais évité à ma fille tant de larmes, tant de crises d’angoisse face à un exercice de maths. J’aurais compris que ses efforts étaient bien réels, mais que les mécanismes dans son cerveau, eux, ne suivaient pas les chemins habituels.

La dyscalculie, ce n’est pas une question de volonté. C’est un trouble spécifique qui touche les apprentissages numériques, souvent invisible, parfois mal compris, et qui s’accompagne souvent d’autres troubles comme la dyslexie, la dyspraxie ou le TDAH.

En connaissant mieux les causes, les signes qui doivent t’alerter, et les galères du quotidien, tu peux mieux accompagner ton enfant. Ce n’est pas seulement une histoire de devoirs, c’est une histoire de confiance, d’estime de soi, de petites victoires qui changent tout.

Alors oui, il y a des solutions. À la maison, en rendant les maths plus ludiques. À l’école, en construisant des ponts avec les enseignants. Et surtout, dans le regard que tu poses sur ton enfant : valoriser ses stratégies, l’aider à devenir acteur de ses apprentissages, être son porte-parole quand il n’a pas encore les mots.

Parce que comprendre la dyscalculie, c’est surtout offrir à ton enfant la liberté de ne plus se sentir “nul”, mais différent. Et pleinement capable d’apprendre. Autrement.

Si tu veux avoir d’autres conseils en images, retrouve-moi sur ma chaine Youtube OptimismeCool.

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